Après avoir analysé les dépenses réalisées dans le cadre du dispositif Pinel, la Cour des comptes pose un verdict tranché : l’investissement locatif serait “trop coûteux” pour les finances publiques, de même qu’ ”inefficace”.
Alors que la Cour des comptes préconise un retrait progressif de la loi Pinel, les professionnels de l’immobilier défendent ce régime avec ferveur, à l’image de la Fédération des Promoteurs Immobiliers.
Quels éléments permettent à la Cour des comptes de conclure à l’inutilité du dispositif Pinel ? Qu’est-ce qui permet aux professionnels de l’immobilier de contredire cette assertion ?
La cour des comptes remet en cause le dispositif Pinel
Organisme chargé de contrôler la régularité des comptes publics et des organismes privés aidés par l’État ou par le public, la Cour des comptes a récemment mené une enquête concernant l’investissement locatif réalisé par les particuliers dans le cadre du dispositif Pinel.
Sur la base des dépenses fiscales accordées entre 2009 et 2016, la Cour des comptes a déclaré que l’investissement locatif est “aussi coûteux pour les finances publiques, qu’inefficaces ». En effet, les réductions d’impôt, accordées aux propriétaires bailleurs, seraient passées de 606 millions d’euros en 2009 à 1,7 milliards en 2015. De plus, la prorogation du Pinel pour quatre années, validée par le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, devrait coûter 7,4 milliards d’euros d’ici 2035 et ce, en dépit du recentrage sur les zones immobilières tendues.
Par ailleurs, il est reproché à la loi Pinel de favoriser les ménages “dont les revenus sont relativement élevés, et même parfois importants”. Pour preuve, près de 45% des particuliers ayant bénéficié du dispositif Pinel en 2013 se situaient dans la tranche d’imposition 27.000€ – 71.000€.
Concernant la capacité de la loi Pinel à soutenir la production de logements neufs accessibles à la location, les Sages la juge limitée. En effet, l’offre produite dans ce contexte ne représenterait que 10% de l’offre globale en matière de promotion immobilière.
Enfin, pour ce qui est de la capacité régulatrice de l’investissement locatif sur le montant des loyers dans le secteur privé, elle n’a pas été démontrée.
Les professionnels montent au front
En première ligne de défense de la loi Pinel, la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI), représentée par sa présidente, a réagi aux attaques subies par le dispositif. En effet, Alexandra François-Cuxac affirme dans une interview accordée au média Le Moniteur : “l’analyse de la Cour des comptes est très discutable et les recommandations sont trop partielles”.
En premier lieu, la FPI considère que la loi Pinel remplit ses objectifs en matière de production de logements intermédiaires neufs qualitatifs en zones immobilières tendues. Ce sont effectivement 60.000 logements qui ont été vendus via ce dispositif en 2017.
Dans ce contexte, si l’État en venait à écouter les recommandations de la Cour des comptes, il lui faudrait agir dans le sens d’une baisse des coûts de production afin de consolider la fiscalité des bailleurs. Car, si les dispositifs fiscaux perdurent depuis 1986 et la création de la première loi du genre (“loi Méhaignerie”), c’est que leur nécessité va en grandissant en raison des manquements du marché locatif :
- désengagement des investisseurs institutionnels,
- fiscalité outrancière,
- faible rentabilité
- etc
L’efficacité de la loi Pinel redouble, elle aussi, grâce à des mesures telles que la baisse des plafonds de loyer, le recentrage sur les zones tendues, la baisse de la réduction d’impôt ou encore, le renforcement de la protection des investisseurs. Face aux avantages du Pinel, le Ministère de la cohésion des territoires, n’apporte pas de nouvelles solutions au travers de la loi ELAN qui se contente simplement de créer un nouveau bail mobilité, petit pansement face à l’hémoragie qui s’oppère sur le parc locatif national.
Quant au fait de savoir si les plafonds de loyer imposés par le dispositif Pinel dépassent les loyers du marché, la FPI y voit une dénonciation de cas qui ne sont que ponctuels et pas généraux.
Enfin, concernant les coûts budgétaires mentionnés par la Cour des comptes, la FPI regrette qu’il s’agisse de coûts bruts, c’est-à-dire, ne tenant pas compte des recettes fiscales issues du dispositif Pinel (TVA notamment).
La présidente de la FPI consent toutefois à soutenir l’affirmation de la Cour des comptes selon laquelle il existe un déficit de contrôle quant à la loi Pinel. En cause, les services fiscaux ne produisent pas suffisamment de données susceptibles d’être étudiées. Aussi, la FPI se positionne en faveur d’une “plus grande transparence des données”.
Des investisseurs lésés ?
L’avenir de la loi Pinel a fréquemment été remis en cause depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Aussi, les particuliers ayant investi sur le marché de l’immobilier ou qui projettent de le faire se trouvent quelque peu déstabilisés depuis le dernier changement de présidence.
Ils ont d’abord été informés d’un éventuel remplacement de la loi Pinel par une loi Mézard, proche cousine, imaginée par Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des Territoires du gouvernement Édouard Philippe.
Ils ont ensuite reçu l’annonce d’un recentrage du régime fiscal sur les zones géographiques tendues. En effet, depuis le 1er janvier 2018, le dispositif Pinel profite uniquement aux zones A (Paris et 29 communes environnantes), Abis (Île-de-France, Côte d’Azur, Lille, Lyon, Marseille, etc) et B1 (métropoles de plus de 250.000 habitants).
Voici désormais que l’on évoque l’idée d’une suppression totale du régime Pinel. Concrètement, cela représenterait une perte conséquente pour les potentiels investisseurs. Ceux qui sont déjà engagés ne seront probablement pas impactés et pourront profiter des avantages qui leur avaient été promis. En revanche, ils seront les derniers à pouvoir bénéficier d’une réduction d’impôt pouvant atteindre les 63.000€.
Pour rappel, la loi Pinel octroie, en l’état actuel, une économie fiscale de 12%, 18% ou 21% du montant de l’opération immobilière réalisée par l’acquéreur, à condition que ce dernier mette son bien en location pour une période de 6 ans, 9 ans ou 12 ans.